5 raisons de soutenir les femmes pendant les situations d’urgence
À l’occasion de la Journée internationale des femmes, Anne Reitsema, directrice des programmes internationaux de Medair, nous livre ses réflexions sur les défis uniques auxquels sont confrontées les femmes en situation d’urgence et les raisons pour lesquelles nous devons agir. Au cours des 14 dernières années, je suis intervenue en réponse à des crises humanitaires dans une multitude de pays, parmi lesquels la Somalie, le Soudan et le Soudan du Sud. Bien que chaque crise soit unique, j’ai toutefois pu observer de nombreuses similitudes. L’une d’entre elles est que, maintes et maintes fois, ce sont les femmes et leurs enfants les plus durement touchés. Les conflits et les catastrophes mettent en péril la vie et la dignité des femmes. Les hommes souffrent aussi durant ces situations chaotiques, mais les femmes et les enfants sont exposés à des menaces uniques qui les rendent particulièrement vulnérables.
Voici 5 raisons d’investir pour le soutien des femmes en temps de crise :
1. Les femmes sont souvent les seules à subvenir aux besoins de leur famille
Les crises augmentent considérablement le nombre de femmes qui subviennent seules aux besoins de leur famille. Souvent, les maris et les pères ont été tués, emprisonnés ou ont rejoint un groupe armé. Par exemple, dans les camps de réfugiés rohingya, au Bangladesh, une famille sur six aurait à sa tête une femme. Les femmes qui subviennent seules aux besoins de leur famille ont moins de chances de gagner leur vie, ne bénéficient pas de la protection normalement assurée par les ménages biparentaux, sont souvent exclues des processus décisionnels au sein de la collectivité et doivent faire face seules aux deuils et traumatismes personnels. Lors de sa visite à notre clinique, Theresa, veuve soudanaise de 29 ans et mère de quatre enfants, nous a confié : « Depuis le décès de mon mari, je dois nourrir ma famille et assurer seule l’éducation et le logement de mes enfants. J’ai beaucoup de mal à me procurer de la nourriture. Je vends du thé sur le marché, mais lorsque je ne vends rien, je n’ai aucun autre moyen de nourrir mes enfants. »
2. Les femmes enceintes n’ont pas accès au soutien vital dont elles ont besoin
Même dans les pays où le niveau de couverture médicale maternelle est le plus élevé, donner naissance à un enfant et en prendre soin représente un défi et une responsabilité énormes. L’accouchement peut s’avérer mortel pour les femmes qui vivent dans des endroits où les soins de santé sont inabordables ou celles qui sont contraintes de fuir leur foyer. En fait, 60 % de tous les décès maternels évitables à travers le monde ont lieu dans des régions marquées par des conflits et des catastrophes naturelles. Un jour, à l’époque où je dirigeais le programme de Medair, au Soudan du Sud, notre équipe d’intervention d’urgence a rencontré une femme en route vers un site de projet, assise sur le bas-côté. Cette femme, Angeline, montrait les premiers signes d’un accouchement imminent. Le centre de santé le plus proche étant trop éloigné, ce fut notre sage-femme de l’équipe qui aida la femme à mettre sa petite fille au monde sur place, dans l’herbe, en toute sécurité. Je me réjouis que nous ayons été là pour Angeline et son bébé – malheureusement, cette histoire est une exception. La médiocrité des infrastructures, l’éloignement des centres de santé, l’insécurité, les mauvaises pratiques en matière d’hygiène et l’inadéquation des services d’orientation d’urgence sont autant de facteurs qui contribuent à ce que les femmes en situation de crise aient peu d’espoir de recevoir des services de protection maternelle adéquats.
3. Les femmes sont souvent victimes de violence
Lorsque les structures sociales sont érodées par les conflits, les femmes sont plus exposées à la violence sexuelle et sexiste et particulièrement vulnérables pendant les migrations et les déplacements. Environ une réfugiée sur cinq a été exposée à des violences sexuelles (Global Humanitarian Overview 2019). Les chiffres réels sont probablement plus élevés encore, puisque de nombreux cas ne sont pas signalés. La violence sexuelle et sexiste a de profondes répercussions sur la santé physique et mentale des survivantes. De nombreuses survivantes n’ont personne vers qui se tourner pour assurer leur protection, devenant ainsi encore plus vulnérables.
4. Les femmes endurent souvent des blessures psychologiques sans soutien
Les blessures psychologiques sont invisibles, mais la perte d’un proche, d’un foyer et d’un mode de vie familier affecte profondément la santé des femmes. Bon nombre d’entre elles doivent surmonter des traumatismes tels que le fait d’être témoins d’atrocités et de survivre à des agressions sexuelles ou à la torture, en plus de subir les difficultés quotidiennes liées aux déplacements de population. Haleema, réfugiée syrienne dans notre programme psychosocial en Jordanie, nous a décrit l’impact d’un bombardement sur son village : « Ce jour-là, ma vie a basculé. Je ne parvenais pas à sortir cette scène de mon esprit. J’étais devenue agressive et je commençais à crier sur mes enfants, tout le temps. Je décidai alors de fuir la Syrie pour rejoindre la Jordanie où vivait mon mari. Cela signifiait quitter le seul pays que je n’avais jamais connu, mais aussi dans lequel nous n’étions plus en sécurité. »
5. Investir dans les femmes, c’est investir dans l’ensemble des communautés
Les femmes et les filles sont touchées par les crises de manière disproportionnée. Pourtant, trop souvent, elles ne sont perçues que comme des victimes et non des parties prenantes au sein de la communauté. Les recherches montrent que l’ensemble de la communauté bénéficie de l’inclusion des femmes dans l’action humanitaire (ONU Femmes 2015). C’est l’une des raisons pour lesquelles Medair travaille avec des groupes de mères pour développer des pratiques familiales plus saines, capables de prévenir de futures maladies chez elles et leurs enfants. Ces groupes de 10 à 15 mères se réunissent régulièrement pour recevoir une formation et un soutien dans les domaines de la santé, de la nutrition et de l’hygiène. Ensuite, ces mères rendent visite à leurs voisins pour s’assurer de leur état de santé et promouvoir des changements positifs dans leur collectivité. En mettant en place groupes d’échanges de mère à mère, nous aidons les femmes à s’entraider, créant ainsi des réseaux de soutien durables. Ceci est selon moi la parfaite illustration de l’importance de la place des femmes au cœur des interventions humanitaires.
Le soutien que nous apportons
Medair a pour mission de servir les populations les plus vulnérables du monde en leur apportant une aide humanitaire de grande qualité. Nos programmes mettent ainsi l’accent sur l’aide apportée aux femmes et à leurs enfants afin qu’ils puissent traverser les périodes de crise dans la dignité. Il s’agit notamment d’apporter un soutien médical aux femmes enceintes et à celles ayant récemment accouché ainsi qu’un soutien psychosocial pour permettre aux femmes d’apprendre à devenir des survivantes actives plutôt que des victimes passives. Nous formons également les femmes à de nouvelles compétences et les aidons à mettre en place des groupes d’échanges de mère à mère pour développer des pratiques plus saines en matière d’hygiène visant à prévenir de futures maladies chez elles et leurs enfants. Non seulement ce type de programmes aide-t-il des centaines de milliers de femmes et d’enfants à survivre, mais également à s’épanouir. Une mère impliquée dans nos groupes de mère à mère a déclaré : « Nous ne sommes que des femmes au foyer et des mères ici. Nous ne sommes jamais allées à l’école à cause de la guerre. Lorsque Medair m’a offert une formation, j’ai réalisé la réelle valeur que je représentais pour mon foyer. Je peux protéger ma famille de la maladie. Je n’aurais jamais imaginé auparavant pouvoir faire une telle différence. » En fin de compte, nous sommes ici non seulement pour sauver des vies, mais aussi pour rappeler aux femmes leur valeur et les aider à retrouver leur dignité dans les moments difficiles. Ayez un impact durable dans la vie des femmes à travers le monde.